Pierre-Louis et Hippolyte-Marie Crouan sont deux frères pharmaciens nés à Brest. Passionnés de botanique, ils herborisent et publient dans plusieurs revues scientifiques à partir de 1833. Chemin faisant, ils correspondent avec les meilleurs spécialistes européens des algues.
Ils déposent au Musée ou Cabinet d’Histoire Naturelle du jardin botanique de Brest, en 1835, un tableau composé de 150 algues, qualifié par ses auteurs d’ébauche. Ce travail préfigure et porte en soi la genèse de futurs projets. Ce tableau algologique sera détruit en 1944, par les bombardements que la ville de Brest a subis durant cette période.
En 1852 les frères Crouan publient à compte d’auteur, en 50 exemplaires seulement, un document exceptionnel en 3 volumes : Algues marines du Finistère. Il s’agit d’un herbier alguier qui rassemble 404 échantillons d’algues du Finistère. Ces 404 échantillons sont classés par familles, rassemblées donc en 3 volumes : Fucoïdées ; Floridées ; Zoospermées.
Chaque page de l’ouvrage porte une espèce d’algue séchée et collée accompagnée d’une étiquette imprimée qui précise le nom de l’espèce, cite les auteurs principaux qui ont décrit ou figuré ces plantes, le lieu et l’époque précis de la récolte.
Les frères Crouan optent pour un format d’ouvrage in octavo car les trois-quarts au moins des algues, ne nécessitent pas une autre taille. Pour les grandes espèces ils choisiront des rameaux. Le format in-8° présente aussi l’avantage d’être portatif et pratique pour la consultation. Ils ont identifié et nommé plus d’une vingtaine d’espèces d’algues jusqu’ici inconnues. Certaines espèces portent leur nom, les Crouania. Il a fallu 15 années aux frères Crouan pour mener à bien ce travail colossal et la collecte de 20 000 échantillons.
Les algues sont classées selon le Species Algorum de Carl Adolf Agardh, botaniste suédois, professeur à l’université de Lund. Il est considéré comme l’un des pères de l’algologie. Son fils Jacob Georg Agardh deviendra aussi un algologue notoire.
Exceptionnel, ce document préparé par les auteurs eux-mêmes, en plus de son intérêt scientifique, l’est à plus d’un titre : d’une part, seuls 50 exemplaires sont conservés de par le monde, dont quelques-uns en France, et certains en mauvais état. L’exemplaire de la BU Saint-Charles, qui plus est en bon état, est donc déjà en soi une rareté.
D’autre part, l’état de conservation de cet herbier d’algues, ainsi que la « poésie » qui se dégage de chaque page, procurent à l’observateur un bonheur sans pareil. Visuellement, nous sommes parfois à la frontière de l’art, c’est en tous cas un émerveillement à chaque page.
Comme ils l’indiquent dans leur préface (p.4, vol.1), les frères Crouan ont repris, pour dessécher les plantes marines, la méthode d’un pharmacien et algologue de Quimper, Théophile Bonnemaison, méthode dont ce dernier a livré les secrets dans un article intitulé "Essai sur les hydrophytes loculées" complété en partie depuis par Benjamin Gaillon dans son Résumé méthodique des classifications des thalassiophytes.
NB: ce billet a été rédigé à partir d’une présentation de J. Berti, conservateur et P. Ponsot, bibliothécaire, dans le cadre des « Mercredis du patrimoine d’AMU » le 06 mai 2015 à la Bibliothèque universitaire de Saint-Charles, Service commun de documentation d’Aix-Marseille Université.
Crouan, Frères, Algues marines du Finistère, 1852
Brest, Bibliothèque François Mitterrand-Les Capucins, MS 193/195/197